A l’origine, la transaction qui fonde la relation entre une marque et un client a, historiquement, été basée sur le face-à-face.
Le développement de la vente et de la relation à distance a progressivement occulté le face à face dans la relation client. La VAD a créé la première entrave au règne du face à face, pour des raisons soit pratiques, liées justement à la distance, soit économiques, le coût du face à face ne se justifiant pas ou plus. L’Internet et le mobile ont ringardisé le face à face. Moyennant gain de temps et d’argent, les clients ont fortement adhéré à la dématérialisation. Les marques ont ainsi gagné en fréquence de contacts ce qu’elles ont perdu en intensité de la relation. Aujourd’hui, la relation à distance qui continue à se professionnaliser et se sophistiquer tend à supprimer le face à face. Le self-service a d’abord été une tendance, puis a pris des formes de plus en plus concrètes chez la plupart des acteurs, tous secteurs confondus. Jusqu’à atteindre parfois des extrémités insupportables. Au départ, on propose le choix au client pour traiter ses demandes, puis on limite ses choix et, enfin, on finit par ne plus donner le choix du tout. Pour positiver, on parle aujourd’hui de « co-production » des actes entre le client et la marque. Il s’agit, surtout, de créer une relation efficace entre le client et plusieurs machines mises en place pour supprimer toute relation humaine… pour une question de coût ! Le face à face devient ainsi progressivement le parent pauvre des stratégies multi-canal. Dans certains secteurs, comme le tourisme ou le divertissement mais aussi beaucoup d’autres, le mouvement est très rapide. Des grands acteurs traditionnels comme Gaz de France ont, eux, purement et simplement, décidé de se passer d’agences.
Tous ces processus annoncent-ils la perte progressive de la relation de face-à-face dans la vie quotidienne et, plus généralement, conduisent-ils à une déshumanisation généralisée des transactions commerciales ?
Heureusement, les clients ont des stratégies multi-canal plus élaborées que les marques !
Une étude récente dans le secteur bancaire, publiée par le quotidien économique Les Echos, a montré, de façon très étonnante, que les jeunes étaient beaucoup plus attachés au face-à-face qu’on ne pouvait l’imaginer. Pour les moins de 30 ans, en effet, l’interaction avec le conseiller de clientèle reste primordial dans la relation de confiance, par ailleurs, absolument nécessaire quand on parle d’argent. Les jeunes rencontrent le conseiller en moyenne 2,6 fois par an. Pour les opérations courantes, l’agence est même le premier canal utilisé. Ils ne veulent surtout pas d’agence entièrement virtuelle et sont plus nombreux que la moyenne à penser qu’Internet ne peut pas devenir le seul moyen d’effectuer des opérations. Édifiant, non ?
La dernière tendance marketing à la mode est le R-O-P-O pour « Research Online, Purchase Offline ». Ce comportement d’achat étant constaté dans tous les secteurs. On prépare son achat sur Internet mais on sollicite un contact en face à face pour concrétiser son achat. Trois raisons robustes constituent une arme de poids pour la défense du face à face. D’abord le besoin de voir, de toucher, de sentir, d’essayer. Ce que les sociologues appellent la poli-sensorialité qui fait le plaisir d’acheter. Impossible sur internet. Ensuite, le rapport de confiance, essentiel pour la décision d’achat, s’instaure plus facilement par le contact avec un vendeur ou un conseiller. Enfin, l’attente de relation qui enrichit l’acte de vente et laisse une trace pérenne porteuse de fidélisation ultérieure. En distribution, par exemple, ce sont les concepts de magasin de proximité qui ont le vent en poupe, comme si les consommateurs ne recherchaient pas seulement la praticité liée à la proximité mais aussi, et surtout, une relation humaine avec le commerçant.
Si ces attentes, bien réelles, des consommateurs étaient confrontées aux pratiques des entreprises, une multitude de questions pourraient être posées quant à la pertinence de certaines politiques multi-canal orientées uniquement vers l’optimisation du traitement des flux. En tous cas, il est (…) facile de prévoir un nouveau mouvement de balancier dans le sens d’un retour du face-à-face visant à rétablir un lien privilégié avec le client sous la forme de contact humanisé plutôt que virtuel. Créateur de dialogue davantage que d’interactions. Sans doute faut-il repenser, voire remettre en cause quelques choix récents. Mais pour quels clients, à quelle étape de son cycle de vie, pour quelles catégories d’actes, avec quel ROI ? Quels compétences et profils de conseillers mobiliser, quels outils utiliser ? Les questions restent nombreuses et complexes.
Il y a du pain sur la planche pour les stratèges de la relation client.
Source : Vertone